Malédiction

Qu’il erre sans repos, courbé dès sa jeunesse,
En des sables sans borne où le soleil renaisse
Sitôt qu’il aura lui!
Comme un noir meurtrier qui fuit dans la nuit sombre,
S’il marche, que sans cesse il entende dans l’ombre
Un pas derrière lui!

En des glaciers polis comme un tranchant de hache,
Qu’il glisse, et roule, et tombe, et tombe, et se rattache
De l’ongle à leurs parois!
Qu’il soit pris pour un autre, et, râlant sur la roue,
Dise : Je n’ai rien fait! et qu’alors on le cloue
Sur un gibet en croix!

Qu’il pende échevelé, la bouche violette!
Que, visible à lui seul, la mort, chauve squelette,
Rie en le regardant!
Que son cadavre souffre, et vive assez encore
Pour sentir, quand la mort le ronge et le dévore,
Chaque coup de sa dent!

Qu’il ne soit plus vivant, et ne soit pas une âme :
Que sur ses membres nus tombe un soleil de flamme
Ou la pluie à ruisseaux!
Qu’il s’éveille en sursaut chaque nuit dans la brume,
Et lutte, et se secoue, et vainement écume
Sous des griffes d’oiseaux!

Le 25 août 1828.


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Verset Malédiction - Victor Hugo