Nourri dès le berceau

(Sonnet sur une de ses parentes qui mourût
Toute jeune entre les mains d’un charlatan.)

Nourri dès le berceau près de la jeune Orante,
Et non moins par le cœur que par le sang lié,
A ses jeux innocents enfant associé,
Je goûtais les douceurs d’une amitié charmante :

Quand un faux Esculape, à cervelle ignorante,
A la fin d’un long mal vainement pallié,
Rompant de ses beaux jours le fil trop délié,
Pour jamais me ravit mon aimable parente.

Ah! qu’un si rude coup me fit verser de pleurs!
Bientôt, la plume en main, signalant mes douleurs,
Je demandais raison d’un acte si perfide.

Oui, j’en fis dès quinze ans ma plainte à l’univers :
Et l’ardeur de venger ce barbare homicide
Fut le premier démon qui m’inspira des vers.


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Verset Nourri dès le berceau - Nicolas Boileau