L’amour maternel

À Maurice Chevrier.

Fait d’héroïsme et de clémence,
Présent toujours au moindre appel,
Qui de nous peut dire où commence,
Où finit l’amour maternel?

Il n’attend pas qu’on le mérite,
Il plane en deuil sur les ingrats ;
Lorsque le père déshérite,
La mère laisse ouverts ses bras ;

Son crédule dévouement reste
Quand les plus vrais nous ont menti,
Si téméraire et si modeste
Qu’il s’ignore et n’est pas senti.

Pour nous suivre il monte ou s’abîme,
À nos revers toujours égal,
Ou si profond ou si sublime
Que, sans maître, il est sans rival :

Est-il de retraite plus douce
Qu’un sein de mère, et quel abri
Recueille avec moins de secousse
Un cœur fragile endolori?

Quel est l’ami qui sans colère
Se voit pour d’autres négligé?
Qu’on méconnaît sans lui déplaire,
Si bon qu’il n’en soit affligé?

Quel ami dans un précipice
Nous joint sans espoir de retour,
Et ne sent quelque sacrifice
Où la mère ne sent qu’amour?

Lequel n’espère un avantage
Des échanges de l’amitié?
Que de fois la mère partage
Et ne garde pas sa moitié!

Ô mère, unique Danaïde
Dont le zèle soit sans déclin,
Et qui, sans maudire le vide,
Y penche un grand cœur toujours plein!


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Verset L’amour maternel - René-François Sully Prudhomme