Les poètes ont vu dans le monde infernal
Des âmes qui des dieux attendaient le signal
Pour vivre de la vie humaine,
Acteurs muets encore, mais qui devaient un jour,
En des drames nouveaux apparaître à leur tour
Héros ou peuple sur la scène.
Vierges, c’est votre image, alors que vos désirs
N’ont pour tout horizon, dans leurs chastes soupirs,
Que l’enceinte du Gynécée,
Temple qui n’est ouvert que du côté du ciel,
Sanctuaire où toujours sur vos lèvres de miel
Repose une sainte pensée.
Mais si l’une de vous, conquise par l’hymen,
Se détache des chœurs de ce nouvel Eden,
Et, parée, entre dans la vie,
Elle sent tout-à-coup ses rêves qui s’en vont,
Plus vite que les fleurs qu’un époux sur son front
Effeuilla d’une main ravie.
Ah! quelle jeune épouse, en sa vague douleur,
Ne s’écria jamais : » Qu’avez-vous fait, Seigneur,
De ma rêveuse adolescence?
Depuis que j’ai sondé les sentiers d’ici-bas,
Qu’ai-je vu dans ce monde ouvert devant mes pas
Qui valût ma douce ignorance?
Seigneur, me rendrez-vous cet âge où, pour mes yeux,
La terre, île inconnue aux ports mystérieux,
N’avait que de lointaines rives,
Et mes robes de soie et mon voile étranger,
Tout pour ma blanche robe et mon réseau léger,
Quand je courais par les montagnes.
On m’envie un regard, et l’on trouve bien doux
Ces aveux qu’en passant murmure auprès de nous
Quelque homme qui s’en rit dans l’ombre ;
Oh! prenez-les encore et me rendez les voix
Des pâtres égarés le soir au fond des bois,
Et s’appelant dans la nuit sombre. «
Mais si dans son berceau doucement endormi
Son fils, à ses côtés, laisse entendre à demi
L’accent d’une douleur légère,
Son cœur avec la vie est réconcilié,
Et sur l’enfant penchée, elle a tout oublié
Pour se souvenir qu’elle est mère.