Allons, amis! voici l’aurore,
Voici l’aurore à nos vitraux!
Sous le brouillard qui s’évapore
On aperçoit les grands troupeaux ;
Debout! – car la vache qui brame
Déjà nous vient offrir son lait ;
Le soleil brillant nous réclame,
Debout! debout dans le chalet!
Sur les pentes, sur les abîmes,
Ah! que de tours aventureux!
Que de longs efforts jusqu’aux cimes!
Et puis, au fond du val ombreux,
Que d’heures où le cœur s’apaise,
Où de fleurs le front se revêt!…
Cueillons la myrtille et la fraise
Pour nos festins dans le chalet!
Sur le roc allons voir la plaine,
Manteau devant nous déployé,
Ecoutons, humble et faible haleine,
Ce soupir par l’homme envoyé!
Mais sur vous, cimes éternelles,
Des cieux déjà brille un reflet,
Aussi sous l’ombre de vos ailes
S’abrite en paix notre chalet.
Voyez monter de la vallée
Ce brouillard qui rampe incertain.
Déjà dans la nue envolée
Le tonnerre gronde au lointain.
C’est la voix qui, sur la montagne
A Moïse autrefois parlait ;
Que la foudre qui l’accompagne,
Seigneur! épargne le chalet!
Oh! oui! de la main qui nous garde
Croyons le pouvoir infini!…
Sans trembler, la cime regarde
Le monde à ses pieds rembruni!
Nous voyons flotter le nuage
Dont la terre au loin se revêt,
Nous écoutons passer l’orage
Qui gronde à côté du chalet.
Il est passé ; – la sombre nue
Laisse le ciel au soleil pur ;
Sur nous la paix est revenue,
Le lac a repris son azur :
Le sapin au morne feuillage
Ne gémit plus dans la forêt,
Et le troupeau va sous l’ombrage
Se répandre autour du chalet.
Puis, quand le soir laisse la lune
Eclairer les monts à moitié,
Voyez ce feu dans la nuit brune,
C’est le fanal de l’amitié!
Oui, comme ces brillantes flammes
Dont l’éclat dans l’ombre apparaît,
Ainsi se répondent nos âmes
De la plaine jusqu’au chalet.
Amis, regagnons notre gîte!
Assis près du foyer mourant,
Sous le vieux toit qui nous abrite,
On croit ouïr un pas errant ;
Des nuits fantastiques compagnes
Ces voix, dont jadis on tremblait,
Ce sont les esprits des montagnes
Qui passent auprès du chalet.