Les adieux

D’où me vient le poids qui m’oppresse?
Au sentier s’attache mon pas ;
Fuyez, fantômes de jeunesse,
Dans mon cœur ne vous levez pas!
Hélas! l’aurore qui s’éveille
De son manteau revêt les deux ;
Pendant que le vallon sommeille,
Jetons-lui mes tristes adieux.

Je te fuis, forêt solitaire
Où je cueillais la fraise, enfant ;
Où le soir, devant le mystère,
Fuyait mon pied jeune et tremblant!
Rochers! écho de la vallée,
Toi qui répétais en ce lieu
Ma chanson si vite envolée,
Répète aujourd’hui mon adieu!

Pourquoi, dans l’ombre et la verdure,
Elèves-tu ce toit chéri,
Asile, où se leva si pure
Une enfance qui m’a souri?
Hélas! à ton âtre qui fume,
L’hiver, je n’aurai plus de feu ;
Ce n’est plus pour moi qu’il s’allume ;
Adieu, toi paternel! adieu!

Pour mon front il n’est plus d’ombrage
Que le saule de mon tombeau,
Adieu, chapelle du village
Où le dimanche était si beau!
Et toi, gazon du cimetière,
Où dorment ceux qui sont à Dieu,
Fleurs du tombeau de notre mère,
Qui naissiez sous mes pleurs, adieu!

D’où vient cette larme brûlante
Dans mes yeux que j’ai cru séchés!…
Cascade, ruine croulante!
Secret des ombrages cachés!
Sentier où s’égarait mon âme
En s’enivrant dans son œil bleu!…
Amour! qu’as-tu fait de ta flamme!
Hélas! c’est ton dernier adieu!

A mes yeux blanchit la campagne
Où tout bientôt va m’oublier ;
Voici le col de la montagne,
La croix au détour du sentier!
Et de la plaine qui s’éveille,
Terre d’or sous un ciel de feu,
Comme un doux murmure d’abeille
Semble aussi monter un adieu.


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Verset Les adieux - Henri Durand